Les sources de l'Histoire: Histoire moderne et contemporaine
Dès le Xe siècle les sources écrites arabes relayées à partir du XVIe siècle par les sources européennes permettent une recherche historique critique beaucoup plus sûre et plus aisée. Les sociétés de l'océan Indien deviennent aussi des sociétés de ; l'écriture pouvant porter témoignage sur elles-mêmes. L'écriture arabe va être utilisée par les élites cultivées du monde swahili. On trouve donc des Chroniques, à Pâté, à Lamu, à Kilwa mais aussi, quoique plus tardivement aux Comores. On trouve également des textes religieux, ésotériques ou magiques en particulier à Madagascar les manuscrits arabico-malgaches : les sorabe des Antaimoro. Le sceau de Salomon, signe protecteur figure aussi bien sur les sorabe malgaches que sur les monuments comoriens*. Les modalités de ces textes sont variées. Certains sont rédigés en langue arabe ou en swahili. Souvent aussi ils sont en langue locale (malgache, Shi-ngazidja, shindzuwani...) transcrite en alphabet arabe ce qui nécessite un certain nombre d'aménagements (signes diacritiques spéciaux) pour pallier les différences phonétiques. Les sources d'origine européenne sont soit manuscrites soit; imprimées en caractères latins. Les sources manuscrites concernent les livres de bord des navires, les actes officiels et privés, des comptabilités... et ne sont accessibles que dans des centres d'archives très éloignés des Comores. Les sources imprimées concernent des récits de voyageurs, de marins, de missionnaires, de marchands et d'aventuriers. Plus tard on trouvera aussi des rapports administratifs et des traités diplomatiques. On ne doit pas oublier aussi de mentionner les cartes marines puis terrestres. À ce matériel correspond une vaste bibliographie auquel il faut maintenant ajouter les sources iconographiques : gravures puis photographies. L'histoire peut enfin être complétée par l'étude systématique des traditions orales. La méthode de l'enquête historique sur traditions orales a été définie par J. VANSINA en 1961 : De la tradition orale : essai de méthode. Mémoire n°36 du Musée royal d'Afrique Centrale, Tervuren, 1961.
Le peuplement des Comores (IXe – XIIIe Siècle)Les civilisations dembeni-hanyundro
Le premier peuplement des Comores est à replacer dans le contexte général de l'océan Indien. Trois éléments ont interféré. D’une part, 1 arrivée sur le littoral est-africain, dans la partie que les Arabes appelleront la côte des Zendj, de populations de Bantou métallurgistes plus ou moins associées à l'ancien état de Shungwaya à l'est du Kenya. La révolte des esclaves Zendj en Mésopotamie en 694 montre indirectement qu'ils étaient présents et connus dès cette époque. Il s'agit d'autre part du peuplement austronésien de Madagascar. Cet empire des Wak-Wak débordait apparemment alors sur la côte est-africaine par des relations de rapines et de commerce. Cette expansion asiatique aurait émané de l'empire sumatranais de Srivijaya qui connut son apogée au Xe siècle et disparut seulement au XIIIe siècle suite à son islamisation.
Le Peuplement des Comores L'époque classique (xiV-xix6 siècle)
À partir du XIIIe siècle il se produit une nouvelle structuration du pouvoir dans les cités swahili qui parvient au XVe siècle à la formation des sultanats. L'évolution a d'abord commencé en Afrique orientale,à Kilwa avec l'installation de la famille des Madhali originaires du Sud-Ouest du Yemen. Aux Comores l'évolution se fera autour de la famille de Mohamed ben Haissa, le premier « Chirazien ». Le XIVe siècle voit la généralisation de l'usage de la pierre. La maçonnerie à empilement de couches est remplacée par un appa- reillage de pierres disposées au hasard (opus incertum) mais des ornements en corail taillé : entrelacs et motifs cordés et plus tard des motifs en arêtes de hareng, (cf. détails du panneau 5 provenant de Mahilaka ou « Les portes de la paix à la Grande Comore (Fumbuni, Kwambani et Ntsudjini) » par P. VERIN et H. T. WRIGHT, 990, in Études océan Indien, n°ll, Archéologie des Comores, pp. 173-177, INALCO, Paris). Les tombes sont décorées de panneaux et d'incrustations de céramiques chinoises ou persanes. Les maisons en pierres se composent régulièrement de deux pièces longues et étroites. Les céramiques importées sont surtout du céladon Yuan et Ming. Les perles en tubes remplacent les perles enroulées. L'importation de chloritoschiste de Madagascar cesse. La ville adopte le plan moyen-oriental : maisons à terrasses, parfois à étages, sans plan d'ensemble, agglutinées en médinas à ruelles étroites et obscures ayant pour centre de sociabilité la mosquée du vendredi.
La période coloniale
La colonisation des Comores s'opère en trois temps : Première moitié du XIXe siècle, prospection et premier traité : le traité de Paris de 1817 ayant ruiné la présence française dans l'océan Indien en ne lui laissant que l'île Bourbon (la Réunion) dépourvue de bon mouillage, la marine en cherche un meilleur, alors que les planteurs sont en quête de main-d'œuvre et de territoires à cultiver. Dès 1821 la petite île de Sainte-Marie fut réoccupée. En 1840 la reine de Nossi Be, TSIOUMEKO, cède son île à la France, son oncle ANDRIANTSOLI fait de même pour Mayotte le 25 avril 1841. La deuxième phase voit l'installation d'aventuriers qui signent avec les sultans des traités privés d'exploitation coloniale léonins : William SUNLEY à Anjouan à partir de 1847 puis, en 1864, Victor LOUMEAU en association avec le sultan d'Anjouan ABDALLAH III pour le domaine de Bambao. À Mohéli, Joseph LAMBERT signe en 1865 avec DJOUMBE FATIMA un traité qui le rend maître de l'île. En Grande Comore Léon HUMBLOT obtient en 1885 un accord com- mercial du sultan tibe SAÏD AU qui concède d'énormes avantages à sa société, la S.C.G.C. (Société Coloniale de la Grande Comore). La troisième phase aboutit après le stade temporaire des protec torats officiels français passés séparément, île par île, en 1886 à la décision d'annexion en 1912. La colonisation se manifeste par des signes visibles d'appropria tion et de pouvoir : grands domaines coloniaux comportant des ins tallations de stockage et de préparation des produits : scieries, sucre ries, distilleries de plantes à parfum, villas des gérants de plantation, bâtiments administratifs de tous ordres. La structure architecturale des bâtiments anciens étonne par son caractère souvent massif et imposant : murs très épais, plafonds élevés, arcades, escaliers, murs blanchis à la chaux- un certain nombre mériterait d'être préservé et restauré. La colonisation a modifié l'urbanisme par des déplacements de main- d'oeuvre obligeant à créer de nouveaux villages ou de nouveaux quar tiers à plan en damier caractéristique. Elle a aussi modifié les paysages.
De la colonisation à l'éveil d'une conscience nationale
A Ngazidja, Ndzuani et
Mwali, cette tutelle prend la forme de traités de protectorat
stipulant l'installation de résidents français auprès
des souverains des îles. «L'installation de ces agents
put être menée à bien sans grande difficulté
à la Grande Comore, ainsi qu'à Mohéli. Les
princes régnants sur ces deux îles n'étaient que
trop heureux de voir un représentant de la France venir
cautionner en quelque sorte leur pouvoir chancelant » (J.
Martin). A Ndzuani, la mise en place du résident français
rencontra des résistances de la part des autorités
locales, traditionnellement pro-anglaises, et où l'Américain
Wilson, propriétaire du domaine de Patsi, voyait d'un mauvais
œil la venue d'une autre colonisation. Le prince Othman se
proclama sultan, et avec l'aide des paysans de l'intérieur,
résista quelque temps aux forces militaires coloniales. A
Ngazidja, un autre aristocrate, le sultan Hachim, oncle de Saïd
Ali, s'efforça lui aussi de combattre le nouveau pouvoir
qu'apportait le résident Humblot. Celui-ci, une fois le danger
passé, dépouilla le sultan de ses biens et de son
royaume, puis le fit exiler. A Mwali, les résidents français
firent preuve de peu d'autorité ; la régence du sultan
Mahmoud fut marquée par des troubles et la dernière
reine, Salima Machamba, ne put exercer la direction du petit royaume
mohélien. Alors qu'à Maore, la fin du XIXe siècle
est marquée par la ruine du système de plantations,
ruine consécutive à l'effondrement des cours du sucre
de canne (concurrencé par le sucre de betterave européen),
le développement des appropriations foncières va
devenir considérable à la même époque dans
les autres îles. Humblot réussit même pendant
plusieurs années à cumuler les fonctions de résident
de la Grande Comore avec celle de directeur de la Société
« Humblot et Cie » ; il s'attribue 52 000 hectares, soit
plus de la moitié de la superficie de Ngazidja. A Ndzuani, les
planteurs Bouin et Regouin prennent le contrôle, en 1893, de
l'ancienne propriété du sultan Abdallâh III, à
Bambao, puis créent, en 1907, la Société
coloniale de Bambao, avec le parfumeur Chiris qui, outre sa maîtrise
industrielle, apporte le domaine Faymoreau de Kwambani (Maore). De
son côté, Jules Moquet a acheté (à prix
dérisoire), en 1900, 12 000 hectares dans le Nyumakele. En
ajoutant les appropriations de Bambao à celles des domaines
Moquet et les concessions de Sunley à Pomoni et de Wilson à
Patsi, on observe que Ndzuani est alors possédé aux
deux tiers par les étrangers. A Mwali, Humblot rachète,
en 1909, le domaine Lambert qui fait plus de 5 000 hectares. La carte
de l'inspecteur Norès (page 59) montre l'ampleur des
acquisitions des entreprises coloniales dès 1907. A partir de
1912, l'archipel est complètement rattaché à
Madagascar et administré comme une province éloignée
et difficile d'accès. L'administration locale est d'ailleurs
dotée de fort peu de moyens. La santé et l'enseignement
sont négligés et les puissantes sociétés
coloniales gèrent le pays et interviennent même dans les
nominations ou les renvois des fonctionnaires (cas de Pobeguin). La
Société Bambao poursuit son processus de concentration
jusqu'au temps de l'autonomie interne :
— 1921 : rachat du
domaine de Patsi ;
— 1923 : acquisition de la concession de
Pomoni (Sunley) ;
— 1924 : reprise à Mwali de la
concession Lambert ;
— 1938 : prise de contrôle de la
Société agricole de la Grande Comore (domaine
Humblot).
— 1948 : acquisition du domaine de Dzumonye à
Maore.
Le développement des appropriations, à peu
près incontrôlé au début de la
colonisation, connaît toutefois quelque frein par la suite. Les
Comoriens se révoltent, en 1915, à Ngazidja, mais
aussi, en 1940, dans le Nyumakele où la concession Moquet
avait inclus 30 villages enclavés, avec seulement 200 hectares
au total pour subsister. L'administration elle-même réduit,
mais avec trop de prudence, l'immense domaine Humblot à
Ngazidja selon les étapes du tableau. En 1946, Saïd
Mohammed Cheikh avait proposé la nationalisation des terres
non cultivées. En pratique, l'occupation sans titre des
cultivateurs («squattérisation») ne cessera de se
développer, surtout au fur et à mesure de
l'accroissement de la pression démographique. L'après-guerre
voit aussi l'archipel retrouver une certaine individualité
politique selon les étapes suivantes :
— 1946 :
détachement de Madagascar et création d'un Conseil
général,
— 1952 : transformation du Conseil
général en Assemblée territoriale,
—1956
: création d'un Conseil de gouvernement, à partir de la
Loi-Cadre, présidé par l'Administration supérieure
de Dzaudzi (Ndzauze),
— 1959 : installation à Moroni
de l'Assemblée devenue Chambre des députés.
Dans
l’ensemble, la période coloniale a été
marquée par des progrès économiques faibles,
sauf dans les domaines des sociétés, mais l'Islam a été
profondément respecté par les colonisateurs.
L'influence française sur la vie politique et culturelle va se
manifester davantage par la suite.